la Compagnie L’Embrayage à paillettes

Les élèves écodélégués et de l’option théâtre ont assisté jeudi 19 à la représentation théâtrale : L’Humour ce n’est pas ( forcément) drôle de la Compagnie L’Embrayage à paillettes (https://embrayageapaillettes.wordpress.com/ ) Il s’agissait de réfléchir à ce qu’est l’humour …Vaste sujet….
Ça peut sembler un peu étonnant, voire cocasse, qu’un clown décide de réfléchir sur le sens de l’humour.
Pourtant, c’est bien le cas de ce clown et le prétexte de cette création.

Ça peut sembler un peu étonnant, voire cocasse, qu’un clown décide de réfléchir sur le sens de l’humour. Pourtant, c’est bien le cas de ce clown et le prétexte de cette création.

Il nous faudra d’abord essayer de dessiner les contours de l’humour dans son acception classique, en tant qu’ensemble d’éléments et de procédés comiques ou satiriques, et de mettre en évidence la différence avec l’ironie, la parodie, l’autodérision, l’absurde, le burlesque, le clown, le comique de répétition (le running gag comme l’on dirait maintenant), l’humour noir, le second degré, les jeux de mots, l’humour à propos de l’humour ou métahumour, la blague, le gag, etc. La tâche est immense, mais le clown trouve toujours sa liberté dans la contrainte.

Ensuite, s’attaquer aux lieux communs et aux expressions qui se revendiquent du mot humour pour faire rire aux dépens de l’autre, pour le blesser, l’attaquer. T’as vraiment pas d’humour ! dit-on pour faire avaler une insulte, ou le fameux C’est pour rire ou encore le très célèbre Nan, je déconne !  C’est là qu’on se rend compte que pour un grand nombre d’entre nous, on ne remet pas en question nos talents d’humoristes et on préfère rétorquer si la victime se sent blessée : T’es vraiment premier degré ! A-t-on jamais entendu de la part d’une personne qui vient de faire une bonne grosse blague raciste Désolé, ma blague n’était pas drôle, je suis allé trop loin ou Ce n’est pas de l’humour, mais une atteinte aux droits de l’homme, pardon… ?

Il faut se rendre à l’évidence, quand certains pratiquent le clown et préfèrent s’interroger sur l’humour, d’autres se servent de l’humour comme d’une arme, pour blesser ou humilier : Allez, ça va, c’est drôle ! Tu sais très bien que j’le pense pas, c’est juste une blague ! Une blague certes, mais une blague misogyne, sexiste, homophobe, raciste, antisémite, xénophobe, transphobe ou handiphobe. De la même manière, qu’est-ce que ça veut dire de rire à une telle blague ? Ouais, je rigole, parce que tout le monde rigole, mais au fond, moi non plus je le pense pas vraiment. Et pourtant, je viens d’en rire.

À ce moment-là du dénouement, il y a souvent un personnage pour faire irruption et dire : Voilà, maintenant, on ne peut plus rien dire ! On ne peut plus rire de rien ! Vous le voyez bien ce personnage, n’est-ce pas ? À quel moment se sent-on empêchés de dire des choses, ou s’estime-t-on carrément censurés ? Comme si l’évolution de notre société occidentale était de nous limiter dans ce que l’on a le droit ou pas de dire. Quelle régression ! Les minorités ont pris la parole, remettent en question les habitudes et dénoncent les discriminations qu’elles subissent et voilà que l’on s’aperçoit de la violence de certains de nos propos ! Et ça, c’est dérangeant. Ça gratte, ça picote, on nous oblige à nous remettre en question et pour certain.e.s, ce sentiment est assez désagréable. Il suffit d’observer ce qui se passe sur les réseaux sociaux où tout s’enflamme, avec des batailles rangées entre les camps.

Tentons l’expérience suivante : utilisez un moteur de recherche (écoresponsable et solidaire, s’il vous plaît), tapez « Qu’est-ce que l’humour ? », vous obtenez un nombre de résultats hallucinant. Beaucoup essayent de donner leur avis sur cette question : philosophes, écrivain.e.s, psychologues, coaches, professeur.e.s de littérature, journalistes, universitaires, publicitaires, historien.ne.s, etc. Alors que l’humour pourrait être la quête incessante de l’universel, on se rend rapidement compte que les réponses à cette question varient en fonction de la sensibilité et de la nature des personnes : il y a autant de réponses que de personnes qui pratiquent l’humour. Comment mettre sur le même plan Molière, Coluche, Charlie Chaplin, Copi, Blanche Gardin, Pierre Desproges, Jean-Marie Bigard, Georges Feydeau, Cyril Hanouna, Dany Boon, Jean-Michel Ribes et le rédacteur des blagues carambar ?

Et pourtant… Si on essayait… de répondre à cette vaste question ? Si le clown essayait puisqu’il n’a pas peur d’échouer.

S’il est acquis que l’humour n’est pas universel, il convient donc de questionner notre rapport à l’humour, ou plus précisément, notre rapport aux humours. Doit-il toujours faire rire ? Si on en revient à la définition, la notion du « rire » est précédée du « peut-être » et apparaît uniquement dans la seconde explication du mot « humour ». On peut faire de l’humour pas drôle, mais alors qu’est-ce au juste ? Une vanne ratée ou quelque chose de plus profond ? De l’humour politique ? De l’humour poétique ? Voire de l’humour poélitique ?

Nous ne pouvons pas travailler autour du rire et de l’humour sans parler de la gélotologie, une discipline scientifique qui étudie le rire et ses effets sur le corps. Elle est notamment utilisée en médecine – la gélothérapie –, car on sait désormais que l’humour, s’il est drôle, peut avoir des vertus thérapeutiques, alors que s’il est blessant, il peut avoir des impacts négatifs sur le corps et sur l’esprit.

Le comédien et metteur en scène Jos Houben réfléchit sur le rire, et l’érige en art, dans la droite ligne de l’ouvrage du philosophe Henri Bergson. Il s’agit pour nous de réfléchir sur l’humour, à sa non-universalité  – avec ou sans rire. On repensera aussi à la limite de ce qu’il est possible de dire en public (s’il y a du public…), à comment et quand le dire, et en direction de  quel public, mais surtout, pourquoi le dire ? 

 C’est à partir de toutes ces notions et ces questions que débutera le travail de création. Nous tâcherons de rire ou d’en rire, ou pas forcément. Nous verrons.

Pour conclure, cette citation de Frantz Durupt, journaliste à Libération, pourrait donner une idée sur l’état d’esprit du spectacle : « On peut rire de tout, mais on peut aussi arrêter de citer Desproges n’importe comment. »